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Rapport moral 2017 par notre Vice Présidente.

« Faire de l’éducation une réalité pour tous », ou Comment passer du vœu à l’action.

C’est ainsi que je résumerais cette belle œuvre qu’est la Chaine de solidarité Enfants de la rue (EDLR Madagascar), commencée il y a plus de 20 ans par Nicky Van Ass à Madagascar, plus précisément à Antananarivo, la capitale du pays. Antananarivo ou « la ville des mille » en référence aux mille soldats qui ont conquis autrefois une de ses douze collines sacrées, Analamanga, à mille lieux de son pays natal, la Belgique. La ville des mille est une ville farouche qui ne se laisse pas aimer si facilement. On y côtoie tous les jours pollution, pauvreté, manque d’éducation, corruption… Mais il en fallait plus pour refroidir Nicky Van Ass, qui, témoignant d’un amour vrai, ne s’est pas arrêté aux défauts. Elle s’est donnée une mission, s’est mise au travail et ne s’est pas arrêtée depuis. Grâce aux personnes comme elle, Antananarivo est aussi la ville des mille sourires – sourires des enfants, de leurs parents, sourires de vous précieux parrains et marraines, sans oublier les sourires de ses collaborateurs. Parlant de collaborateur, je me présente : je m’appelle Délicie Rasolofomanana, je suis gérante d’une PME à Madagascar. J’ai rencontré Nicky en 2013 en faisant des recherches sur les œuvres caritatives en faveur des enfants défavorisés (plus tard, j’ai appris que j’ai eu l’occasion auparavant de faire la connaissance de son mari Guy Van Ass dans le cadre de mes activités professionnelles). J’avais à cœur soit de trouver une association qui œuvre dans l’éducation des plus démunis, soit d’en créer une. Avec EDLR, ce fut le coup de foudre : association gérée de manière orthodoxe, approche fédératrice qui associe les bonnes volontés des concitoyens, et responsabilise les bénéficiaires, et surtout avec des résultats tangibles. Je soutiens l’association depuis à titre de bénévole. Cette année, Nicky et Guy m’ont fait l’immense honneur de me proposer d’assurer le rôle de Vice-présidente de l’association, lourde responsabilité dont je m’acquitterai avec modestie car le chantier est vaste et le contexte actuel n’est pas toujours favorable. L’année 2017 a été riche en événements dans la Grande-Ile.

A mettre à l’actif :

un nouveau Plan Sectoriel de l’Education a été voté et sera déployé progressivement à travers tout le pays, dans le but d’améliorer le système éducatif, l’accès à l’éducation ainsi que l’absorption des savoirs, grâce à des changements au niveau de la durée des cycles, des méthodes d’enseignement, de la langue d’apprentissage (le malgache durant les trois premières années dans le premier sous cycle, le français devant s’introduire à la dernière année du deuxième sous-cycle), entre autres.

Une décennie de croissance.

Dans sa Note de conjoncture économique sur Madagascar, la Banque Mondiale affirme que malgré deux chocs climatiques en début d’année, l’économie a progressé au rythme de 4,1 % en 2017, confirmant la tendance positive observée l’année précédente. Cette croissance prometteuse devrait se maintenir sur le moyen terme avec une prévision de 5,1% du PIB en 2018, et s’établir à un niveau moyen de 5,3% sur la période 2019-2022. Si la croissance est de retour au niveau national, ses impacts au niveau individuel ne sont pas encore ressentis. Sur ce point, la Banque Mondiale d’expliquer que ce ne sont pas les deux années de croissance à 4% qui suffiront à éradiquer la pauvreté. Sur le positif également, on peut compter la signature de l’accord de partenariat entre Air Austral et Air Madagascar, censé contribuer à la relance du secteur tourisme, un des secteurs porteurs du pays. Voir le positif ne veut pas dire faire la politique de l’autruche. Ainsi, à mettre au passif de 2017, la saison pesteuse qui a fait de nombreuses victimes ; le passage du cyclone Enawo, le plus puissant cyclone tropical à ravager Madagascar depuis 2004 et qui a fait 176 000 sinistrés, dont environ 1000 à Antananarivo, 81 morts, et détruisant complètement au passage la ville d’Antalaha dans le nord de l’île ; les divers scandales de corruption qui ont défrayé les chroniques ; et l’instabilité politique mentionnée plus haut, qui semble être une constante depuis des décennies. En effet, une récente étude basée sur des recherches menées sur quasiment un quart de siècle tente de percer ce mystère malgache : comment un pays qui a des avantages comparatifs énormes par rapport à ses voisins, et qui n’a jamais connu le fléau de la guerre, peut-il enregistrer une régression économique constante depuis son indépendance en 1960, et un indice de développement humain bien inférieur à celui des pays qui ont connu des guerres ? Une énigme doublée d’un paradoxe : celui de l’incapacité du pays à maintenir une croissance sur le long terme, chaque début de relance économique est systématiquement sabotée par une crise socio-politique provoquée, jetant le pays et sa population dans une chute infernale de plus en plus difficile à remonter.  (L’énigme et le paradoxe – Économie politique de Madagascar — Mireille Razafindrakoto, François Roubaud et Jean-Michel Wachsberger. 2017)   Comme pour valider les hypothèses de ces chercheurs de l’IRD, en 2018 sont censées se tenir de nouvelles élections présidentielles et législatives, contexte particulièrement périlleux. Au moment de la rédaction de ce rapport, nous entrons dans une période de grande incertitude. Les lois électorales votées à l’Assemblée Nationale ont été contestées par une opposition composée principalement d’ennemis politiques jurés, protagonistes de la dernière crise (2009), qui ont choisi encore une fois la rue, accompagnés de leurs partisans respectifs, pour se faire entendre. L’armée en essayant de contenir la foule a fait deux victimes dont un enfant et plusieurs blessés. Depuis, le mouvement censé dénoncer les lois électorales qui pénaliseraient injustement les opposants, réclame désormais la démission du Président de la République et de son gouvernement. En perte de vitesse, les ailes dures du mouvement vont de ministère en ministère, d’école en école pour tenter de faire sortir les employés et les élèves pour grandir leur rang, démarche qui a contribué à délégitimer le mouvement dans l’opinion publique. En effet, le traumatisme de 2009 qui a fait de nombreuses victimes innocentes est encore bien vivant dans les esprits. Or, la trajectoire du mouvement d’aujourd’hui, du moins jusqu’ici, y ressemble étrangement avec ces surenchères des revendications. Pour rappel, la crise de 2009 a entrainé la démission du président de l’époque et l’installation d’un régime anticonstitutionnel dont les conséquences ont été subies de plein fouet par la population. Le retour des mêmes médiateurs de la SADC (Communauté de Développement d’Afrique Australe) renforce ce sentiment de déjà-vu. Concernant les lois électorales, objet de la discorde, elles n’ont pas été valisées par la Haute Cour Constitutionnelle (HCC). Au lieu de l’apaisement espéré, un nouveau bras de fer s’est engagé à l’Assemblée Nationale, une institution qui s’est beaucoup discréditée par trop de scandales de corruption. Depuis, la HCC s’est prononcé pour un changement de gouvernement avec un nouveau Premier Ministre de consensus et des élections anticipées, et les forces armées ont menacé de prendre « les mesures qui s’imposent », à défaut d’un accord politique entre les protagonistes. En d’autres termes, le climat politique et social à Madagascar est loin d’être détendu. A l’instar de ce qui se passe ailleurs dans le monde, le rôle des médias, d’internet et des réseaux sociaux, outils d’informations et de désinformations puissants n’est pas négligeable, voire prépondérant. Pour revenir au secteur de l’éducation, des groupements d’étudiants ont manifesté leurs inquiétudes et leur crainte d’une année blanche qu’ils payeront très chers. Nous espérons que la situation connaitra un apaisement pour ne pas arriver à de telles extrémités. Concernant les enfants, chaque crise politique provoque immanquablement un accroissement du nombre d’enfants travailleurs ou trainant dans les rues, donc non scolarisés, du fait du manque de moyens des parents. Selon les derniers chiffres officiels, malgré un taux brut de scolarisation (TBS) de 148,9 % en 2014-2015 – taux qui s’est maintenu globalement au-dessus de 100 % dans toutes les régions depuis 2004-2005, l’Institut National des Statistiques a recensé 2 030 000 enfants travailleurs, soit 28 % des enfants de 5 à 17 ans (INSTAT 2012. Sans surprise, la pauvreté est désignée comme la principale cause du travail des enfants.

Chers parrains et marraines, dans un tel contexte, vous vous demandez sûrement comment poursuivre notre mission de faire de l’éducation une réalité pour tous ? Comme le colibri, pas à pas, petit à petit, enfant par enfant. Un proverbe malgache dit « Ataovy fitian-dranon’erika: madini-piavy fa mahatondra-drano » (Que votre amour soit comme la bruine d’été, elle vient par petites gouttes mais finit par inonder les rivières). C’est justement dans ce contexte de détresse que vos interventions sont plus nécessaires que jamais, car elles permettent d’alléger le fardeau, sinon de tous les nécessiteux, au moins de certains d’entre eux. C’est dans cet espoir, fort de notre passion de voir des vies transformées par le biais de l’éducation que nous continuerons avec vous, à agir.

Jamais nous n’avions eu autant besoin de votre soutien ! Gardons la flamme allumée, ensemble, main dans la main, agissons pour faire d’Antananarivo la ville des mille espoirs pour nos petits protégés.